... vert, une substance gluante et verte. Tobias n'osa même pas toucher cette immondice à l'allure de gelée qui ne lui inspirait aucune confiance. Dehors la sirène avait cessé de hurler, mais les lumières du gyrophare continuaient d'illuminer le salon à travers les baies vitrées. Tobias ne pouvait plus fuir, il était pris au piège. Une seule solution s'offrait à lui, il devait se cacher. Il connaissait bien cette maison pour être venu plusieurs fois pour des dîners entre voisins. Et Nancy leur avait montrés les meilleurs recoins pour voir sans être vu. C'était sa grande spécialité à Nancy, elle adorait espionner les gens. Quand les voix des policiers se firent entendre dans l'entrée, Tobias n'hésita pas une seule seconde et fila tout droit vers le placard encastré dans le mur près de la télé. Il se cala entre les couvertures d'hivers, l'aspirateur, la table à repasser et autres bric à brac. Le petit corps d'Ezra avait plus de bons côtés qu'il aurait pu imaginer. Les portes du placard étaient à persiennes, ce qui lui permettaient d'avoir une vue d'ensemble sur le salon. Il vit que Spicy s'était trainé jusqu'au canapé et tentait de se dissimuler dessous. Mais sa masse était trop importante et il ne put y glisser que la moitié de son corps.
Soudain un grand bruit de porte qu'on enfonce se fit entendre et deux policiers entrèrent dans la pièce. Ils pointaient leurs armes et observaient les alentours à la recherche de l'intrus.
– Hé ho ! hurla l'un des policiers qui avait le crâne dégarni. Il y a quelqu'un ? C'est la police, nous sommes armés alors faite pas les malins !
Le silence fut la seule réponse qu'il obtint.
– On dirait qu'il n'y a personne ici, annonça le chauve.
– On devrait vérifier l'étage pour être certain, conseilla son collègue barbu et mince.
– Vas-y! Pendant ce temps je surveille le rez-de-chaussée...
– On doit y aller tous les deux Barney ! C'est la procédure.
– Oh ! On dirait que Doug a les chocottes ! ricana le fameux Barney.
– Bon, je suppose qu'il est inutile d'insister, se résigna Douglas.
Il se dirigea vers l'escalier qui menait au premier étage et sortit du champ de vision de Tobias. Ce dernier reporta son attention sur le policier chauve qui était resté. Une fois que son jeune collègue eut disparu, il rangea son arme dans son étui et se dirigea vers la cuisine. Il y resta un bon moment, ouvrant et refermant les placards avec fracas. Tobias se demandait bien ce qu'il fabriquait, quand soudain, Barney réapparut. Il avait un paquet de chips entamé à la main et une bière dans l'autre. Ce goinffre profitait de son intervention pour s'empiffrer sur le dos des contribuables ! L'envie ne manqua pas à Tobias de sortir de sa cachette pour partager le fond de sa pensée avec cet uluberlu au ventre proéminent.
– C'est fou quand même ! Tous ces bourges n'achètent que des chips allégées comme si ça pouvait faire une différence ! s'exclama Barney en observant le paquet de chips.
Il decapsula sa bouteille sur le rebord d'un meuble et fouilla du regard la pièce. Et en même temps qu'il trouvait la télécommande, il s'aperçut de la présence de l’énorme Spicy.
– Ben, qu'est-ce que tu fais là sac à puce ?! Allez sors de là-dessous ! Je te dis de sortir saleté de clébard! Me dit pas que c'est à cause de toi que l'alarme s'est déclenchée !
Il traina Spicy sur le carrelage et remarqua la trainée verte que le chien laissait derrière lui.
– Mais c'est dégueulasse ! s'écria Barney.
Il se pencha pour observer ce que c'était et toucha du bout des doigts la gelée verte. En se relevant il porta ses doigts à son nez et renifla l'odeur qui se dégageait de l'étrange substance. Une grimace de dégout intense s'imprima sur son visage.
– Tes maîtres t'ont pas lavé depuis combien de temps le clébard ?
Spicy se contenta de le fixer de ses yeux noirs.
– Et arrête de me regarder comme ça !
Spicy continua de le fixer, en penchant légèrement sa tête sur le côté.
– Je t'ai dit d'arrêter de me mater sac à puce ! s'énerva Barney.
Il envoya un coup de pied dans le flan de l'animal. Tobias qui pourtant n'avait jamais aimé cette chienne paresseuse, ne put s'empêcher d'avoir un pincement au coeur en la voyant se faire maltraiter. Mais son empathie fut vite remplacée par l'effroi ! En effet, le chien qui n'était qu'un petit bouldogue obèse deux secondes plus tôt s'était transformé en un monstre de trois mètres de haut. Une tête ovale, une gueules aux longues dents pointues et tranchantes, deux petits yeux noirs et froids. La bête était recouverte d'une sombre gelée verte, qui dégoulinait des petits orifices qui parcouraient son corps. Un corps qui était filiforme avec de longs bras surmontés de grands crochets coupants et des jambes arqués dans un angle impossible. Barney n'eut même pas le temps de lâcher un juron, que le monstre lui arracha la tête à coups de dents. Puis il recracha sa prise, qui roula jusqu'au placard de Tobias en laissant une trainée rouge derrière son passage. La tête ensanglantée d'où s'échappait quelques artères et chairs déchiquetées, affichait une expression de surprise figée à jamais.
Le coeur de Tobias tambourinait dans sa poitrine. Une nouvelle crise de panique l'envahissait. Comment était-ce possible ? Bon sang, mais qu'est-ce qui lui arrivait ? Toute cette soirée ne devait être qu'un mauvais cauchemar ! Il avait trop joué aux jeux vidéos, il n'aurait pas dû abuser des nouveaux jeux de zombies que son meilleur ami, Calvin, lui avaient prêté. Il aurait du écouter sa mère !
– Maman, murmura Tobias sous le coup de la panique.
De l'autre côté de la pièce, l'immondice couverte de sang à présent, tourna lentement ses yeux noirs vers le placard. Tobias avait l'impression que le regard inexpressif du monstre transperçait la porte. C'était comme si elle n'existait plus, Tobias était à découvert et allait sans aucun doute finir comme le gros Barney.
– Mais qu'est-ce qu'...
Le jeune policier qui était descendu à toute vitesse, n'eut pas le temps de finir sa phrase, car la Chose se mouva tel un félin pour le décapiter à son tour. Cependant Douglas fut plus rapide et tira plusieurs coups de pistolets. Le monstre s'abbatit au sol. Il ne bougeait plus, mais Tobias avait peur que les balles ne soient pas capables d’en venir à bout. Il sortit donc de sa cachette et se précipita vers son sauveur.
– Mais..., commença le policier qui était encore tremblant.
– Faut pas rester ici, Monsieur ! Il va se relever ! Ils se relèvent toujours !
– Là-haut...un carnage... Tous morts ! Barney ! Où est Barney ?
– Il est mort, votre collègue est mort. On peut plus rien faire pour lui ! Faut pas rester M'sieur, cette chose va se relever !
– D'ac...d'accord petit...On va aller à la voiture...je...je vais prévenir le central...
– Non il faut retrouver Ezra avant...Il faut...
*****
Ezra se sentit secoué comme un prunier. La fièvre faisait tanguer les choses autour de lui et son bras le brûlait beaucoup maintenant.
– La belle au Bois dormant semble reprendre conscience, sussurra la femme tatouée qui se trouvait près de lui sur le canapé. Alors mon chou on a bien dormi ? demanda-t-elle d'une voix doucereuse tout en rangeant une seringue vide.
– Tobias, murmura Ezra d'une voix faible. Où est Tobias ?
– Faut pas t'en faire mon chou, je me suis bien occupé de lui. Elément neutralisé, marmonna-t-elle à la montre étrange accrochée à son poignée. Bon il est temps de partir, tu vas gentiment me suivre et...
– Je peux pas, je dois pas parler ou suivre des inconnus. Tobias ! appela Ezra.
– Je m'appelle Skin, dit la femme avec impatience. Alors maintenant que tu connais mon nom, on est amis pas vrai ? Je suis plus une inconnue alors hop, hop, hop, on se lève et on me suit! Maintenant !
Le garçon roula sur le côté pour avoir une meilleure visibilité sur le salon. Il aperçut alors son grand frère étalé sur le tapis, inconscient. Ses lunettes étaient de travers sur son nez, et il avait du sang qui s'écoulait le long de sa joue. Tout près de lui, Marley aussi était évanoui, allongé dans une drôle de position.
– Tobias ! Marley !
– Oh super, maintenant il se met à pleurnicher ! Je suis bonne pour devoir le porter !
La femme aux tatouages se parlait à elle-même. Ezra l'observa un instant, il ne pouvait pas encore bouger, son corps était encore trop engourdie par la fièvre. La fièvre qui expliquait peut-être aussi les tatouages qui bougeaient dans le cou de l’étrange dame. Cette dernière fouilla dans sa veste en cuir et en sortit une fine ficelle blanche.
– Je vais t'attacher. Je te conseille de ne pas faire de mouvements brusques, sinon je te jure que je te pète les deux bras, le prévint Skin.
Ezra déglutit avec difficulté. Cette femme était effrayante. Il avait bien comprit qu'elle représentait une menace, elle avait blessé Marley et Tobias. Mais qu'est-ce qu'il pouvait faire ? Il n'était qu'un petit garçon sans défense ! Il avait toujours rêvé de faire comme dans les aventures de Scooby-doo, mais dans la réalité tout était beaucoup plus compliqué.
– Vous avez tué mon grand frère ? hoqueta le garçon.
– Oh ! Tu es triste mon coeur ? Tu veux ta maman ?
– Ma maman elle va vous botter le derrière quand elle sera de retour ! Elle est championne de kickboxing !
– Elle ne me fera rien du tout ! rétorqua Skin en reprenant ses accents méprisants. Et tu sais pourquoi mon chou ? Parce que je lui ai déjà planté une balle entre les deux yeux, à elle et à ton père.
– Nan, vous mentez ! Vous mentez ! Tobias ! hurla-t-il. Tobias réveille-toi !
– Arrête de gigoter sale môme !
Sans crier gare, la porte de l'entrée fut défoncée et plusieurs hommes armés menacèrent Skin. Ezra qui reprenait peu à peu ses moyens, reconnut immédiatement l'un des hommes qui menaçaient son agresseur. Il s'agissait du même homme que dans son rêve, le jeune policier barbu qui avait tué le monstre aux dents de sabres. Qu'est-ce qu'il fait ici ? se demanda le petit garçon.
– Skin rend-toi ! ordonna le barbu.
– Doug ! Quelle bonne surprise ! Ça fait un bail, mon vieux.
– Ferme-la ! hurla Douglas. Eloigne-toi du gosse et met les mains derrières la tête !
– Et si je me rends qu'est-ce que j'y gagne ? La torture et l'isolement ? Mmh, j'hésite...Quelques séances sous ton fouet me tenteraient bien, mon chou ! Je pourrai peut-être t'apprendre deux ou trois trucs...
– Joue pas la maligne et rend-toi sans faire d'histoire Skin...
– Pas question ! Depuis le temps, tu devrais savoir que Skin ne se rend jamais ! ricana-t-elle en lançant une sphère au sol.
Un écran de fumé envahit alors la pièce. Ezra ne voyait plus rien, il sentait juste sa gorge lui piquer.
– Les issues ! Vite ! Il faut la rattraper !
– Merde c'est quoi ce bordel ? s'écria une voix féminine au milieu du tohu-bohu. Bon sang, mais vous êtes qui vous ?
– Identifiez-vous ! intima Douglas à la nouvelle venue.
– C'est quoi ce délire ? On est dans un remake de Rambo ou quoi ?
- Identifiez-vous !
- Moi je suis Nancy et leur parent m'ont demandée de garder un oeil sur Ezra et Tob... Merde Tobias ? Qu'est-ce que vous lui avez fait ?!
– On les embarque tous ! beugla Douglas. Et n'oubliez pas de faire le ménage avant de partir les gars !
– Hé ! Bat les pattes Terminator ! se défendit Nancy. Moi je viens pas ! Ya une rediffusion des meilleurs épisodes de Gossip Girl ce soir, je veux pas manquer ça ! Hé !
La fumée commençait à disparaitre quand Ezra s'évanouit de nouveau.
*****
Lorsque ses yeux se rouvrirent, il fut aveuglé par des néons au plafond. Il était dans un lit, son bras blessé était bandé et il portait des vêtements propres. Marley était couché sur le lit, son museau posé sur la main valide du garçon. Tout près, il entendait des voix. Au bout d'un moment, il reconnut celle de Nancy et aussi celle de son frère, il parlait avec emportement. Tobias allait bien alors, Ezra se sentit soulagé à cette nouvelle. La troisième voix était plus grave, plus calme, il lui sembla que c'était la même voix que celle du policier barbu. Les muscles encore faibles, il n'osa pas bouger, et se contenta d’écouter ce qu'ils racontaient.
– Pourquoi vous nous avez amené ici ? criait Tobias.
– Calme-toi gamin. Tu risques de réveiller ton frère...
– Mes parents vont pas tarder à rentrer, si on n’est pas...
– Tes parents sont morts ! Tu piges ? Ici vous êtes en sécurité.
– Attendez, intervint Nancy. C'est quoi cette histoire ? Comment ça ses parents sont morts ? Et pourquoi on devrait vous faire confiance à vous ? Qui nous dit que vous n’êtes pas les méchants ? Je vous rappelle que vous venez d'enlever trois mineurs...
– On vient de vous sauver la vie à tous les trois. Je crois que ça suffit comme preuve, répondit d’un ton monotone Douglas.
– Vous dîtes qu’on est en sécurité ? reprit Tobias, préférant mettre de côté le détail de la mort de ses parents. Mais vous nous protégez de quoi exactement ?
– Des gens qui en veulent après ton frère...
– Ezra n'est qu'un petit garçon de six ans, rétorqua Tobias. Pourquoi on voudrait lui faire du mal ?
– Il est spécial...
– Spécial ? insista l'adolescent sceptique.
– Il a un lien avec les mondes parallèles. Son don s'est révélé ce soir et des gens mal intentionnés veulent se servir de sa capacité à passer la frontière des mondes ...
– Quoi ? Mais c'est du délire total cette histoire ! Des mondes parallèles ? répéta Tobias, incrédule. Vous avez fumé quoi ? Je vais rentrer chez moi et...
– Nan mais c'est génial ! souffla Nancy. Si j'avais su que je vivrais un truc pareil un jour... J'ai l'impression d'être Luke Skywalker qui découvre ses pouvoirs de jedi ! Sauf que ce n’est pas moi qui possède les pouvoirs et que vous n’êtes pas Obi Wan Kenobi… Et sinon, comment ça marche concrètement ce pouvoir ?
– Ezra peut