PREMIERE ETAPE
Comment ça s'écrit du théâtre ?
Du 8 au 22 Septembre
Disclaimer : L'équipe des ateliers n'a pas vocation à devenir un groupe de profs de si tôt. Les 'cours' donnés durant les ateliers sont puisés de l'internet mondial et sont faits pour être améliorés de vos ajouts et de vos commentaires. Le but des ateliers est de vous aider à écrire et de vous faire sortir de vos habitudes, pas de vous dire ce qu'il faut et ne faut pas faire.
Vous pouvez à tout moment vous référer aux sources : ici et ici
Avant propos :
Le théâtre n’est pas fait pour la narration, mais pour être joué. Aux différentes étapes d’écriture, quand vous avez un doute sur la vraisemblance et la véracité de certaines répliques, mettez-vous dans la peau de votre personnage et jouez. En vous écoutant jouer, vous pourrez vous fixer sur ce que vous voulez.
Addition de Eurydice : La plupart du temps, oui, mais Musset parle notamment d'un "spectacle de fauteuil" qui permet de s'affranchir davantage des contraintes liées à la scène (bon, au XIXe, ils étaient un peu fous, ils ont mis un vrai canon sur scène xD) pour pouvoir caser tout un tas de trucs improbables
En résumé :
La singularité du texte théâtral tient tout d'abord au fait que l'auteur s'y exprime uniquement à travers les paroles de ses personnages et ne peut intervenir directement dans le dialogue. Il ne dispose pas de la souveraine liberté du romancier qui peut détailler les pensées des personnages, commenter l'action, etc.
Une pièce de théâtre développe trois types d'énoncés, qui se distinguent visuellement les uns des autres par des variations typographiques :
- les paroles prononcées par les personnages (les répliques) qui sont transcrites sans enrichissement typographique particulier,
- les noms des personnages qui prennent la parole ou sont présents sur scène, sont transcrits le plus souvent en capitales d'imprimerie,
- les didascalies, c'est-à-dire les informations relatives au lieu de l'action, aux gestes ou déplacements des personnages, aux intonations, aux bruits, aux costumes, etc., sont en italique.
Le théâtre s’est avant tout une histoire de rythme, il faut structurer le récit pour ne pas ennuyer le spectateur. Par définition, votre ouvrage a vocation à être joué devant un public. Il faut donc que la découpe du scénario amène du dynamisme, du changement et de la surprise.
La pièce est découpée en actes et ceux-ci doivent s’achever sur l’apparition d’éléments nouveaux et de péripéties à venir. Cette manière de faire vous permettra de tenir le spectateur en haleine.
Ces actes sont généralement répartis en trois ou quatre grandes parties :
- l'exposition (concentrée dans les premières scènes de l'acte I) qui précise la situation initiale en renseignant sur le lieu, le temps, les personnages et leurs relations,
- le nœud de l'intrigue (actes II et III) qui correspond à l'ensemble des conflits qui gênent la progression de l'action et sont autant d'obstacles à la volonté des héros,
- les péripéties (acte IV) qui infléchissent le cours de l'action et retardent ou modifient le dénouement attendu,
- le dénouement (acte V) qui marque la résolution définitive du conflit. Heureux dans la comédie, il est le plus souvent marqué par la mort dans la tragédie. Idéalement, il doit résulter de la logique de l'action elle-même et éviter les interventions peu crédibles.
Le théâtre classique s'impose la règle des trois unités :
- l'unité d'action (une seule action principale que soutiennent éventuellement des actions secondaires),
- l'unité de temps (pour renforcer l'intérêt dramatique, l'action ne doit pas dépasser 24 heures),
- l'unité de lieu (l'action prend place en un seul lieu, plutôt un palais pour la tragédie et un intérieur bourgeois pour la comédie).
Aparté sur les apartés :
WIKIPEDIA (à part) : Un aparté est une réplique de théâtre prononcée par un personnage sur scène qui, par convention, n'est entendue que par le public, pas par les autres personnages. C'est une réplique fournissant au public une pensée du personnage afin de l'éclairer « sur ses réactions, ses intentions ou ses sentiments ».
Le découpage de la pièce
- L’acte est l’unité la plus longue de la pièce. Il se termine lorsque le rideau s’abaisse (ou bien lorsque obscurité est faite sur scène). Entre deux actes, les lieux et les époques peuvent changer.
- La scène est l’unité la plus courte de la pièce. De manière générale, on change de scène lorsqu’un ou plusieurs personnages entrent ou sortent.
source
Addition de Fleur :
Avec Tchekhov, Ibsen etc. on n'a déjà plus de scènes, seulement des actes (4 actes en général chez Tchekhov), et, à l'époque beaucoup plus contemporaine - le 20e-21e - il arrive parfois qu'il n'y ait plus d'actes du tout (mais certain.e.s dramaturges conservent encore aujourd'hui des actes et des scènes, juste que ce n'est pas obligatoire maintenant).
Dans le théâtre classique, en général on écrit des pièces de 3 ou 5 actes, le fait d'en écrire 4 est une façon de se démarquer.
Mise en pratique :
Ré-écrivez un extrait de roman en scène de théâtre. Vous pouvez prendre le roman et l'extrait de votre choix. Néanmoins si vous n'avez pas d'inspiration, nous vous proposons quelques exemples que vous pouvez utiliser. L'équipe n'est pas responsable de tout fou rire ou crise de larme survenu pendant cet exercice.
Il se retrouva alors au sommet d’une colline, froide et désolée dans l’obscurité, le vent sifflant à travers les branches de quelques arbres sans feuilles. Rogue, adulte à présent, tournait sur lui-même, le souffle court. Sa baguette magique étroitement serrée dans sa main, il attendait quelque chose ou quelqu’un… Harry se sentait contaminé par sa peur, même s’il savait qu’il ne risquait rien, et il regarda par-dessus son épaule en se demandant ce que Rogue attendait ainsi…
Puis un éclair blanc, aveuglant, en forme de ligne brisée, traversa l’atmosphère. Harry crut que c’était la foudre mais Rogue était tombé à genoux et sa baguette lui avait sauté des mains.
– Ne me tuez pas !
– Ce n’était pas mon intention.
Le bruit qu’avait dû faire Dumbledore en transplanant avait été couvert par le sifflement du vent dans les branches. Il se tenait devant Rogue, les pans de sa robe claquant autour de lui, le visage éclairé par-dessous, à la lumière que projetait sa baguette.
– Eh bien, Severus ? Quel est le message que Lord Voldemort veut me transmettre ?
– Pas… Pas de message… Je suis venu ici de ma propre initiative !
Rogue se tordait les mains. Il paraissait un peu fou, avec ses cheveux noirs en bataille qui voletaient autour de lui.
– C’est… C’est une mise en garde… non, plutôt une demande… S’il vous plaît…
Dumbledore donna un petit coup de baguette. Les feuilles et les branches continuèrent de voler autour d’eux, portées par le vent nocturne, mais le silence tomba à l’endroit précis où Rogue et lui se faisaient face.
– Quelle demande pourrait donc me faire un Mangemort ?
– La… La prophétie… la prédiction… de Trelawney…
– Ah oui, dit Dumbledore. Qu’avez-vous communiqué à Lord Voldemort ?
– Tout… Tout ce que j’ai entendu ! répondit Rogue. C’est pourquoi… c’est pour cette raison… Il pense qu’il s’agit de Lily Evans !
Le soir, Marie est venue me chercher et m’a demandé si je voulais me marier avec elle. J’ai dit que cela m’était égal et que nous pourrions le faire si elle le voulait. Elle a voulu savoir alors si je l’aimais. J’ai répondu comme je l’avais déjà fait un fois, que cela ne signifiait rien mais que sans doute je ne l’aimais pas. « Pourquoi m’épouser alors ? » a-t-elle dit. Je lui ai expliqué que cela n’avait aucune importance et que si elle le désirait, nous pouvions nous marier. D’ailleurs, c’était elle qui le demandait et moi je me contentais de dire oui. Elle a observé alors que le mariage était une chose grave. J’ai répondu : « Non. » Elle s’est tue pendant un moment et elle m’a regardé en silence. Puis elle a parlé. Elle voulait simplement savoir si j’aurais accepté la même proposition venant d’une autre femme, à qui je serais attaché de la même façon. J’ai dit : « Naturellement. » Elle s’est demandée alors si elle m’aimait et moi, je ne pouvais rien savoir sur ce point. Après un autre moment de silence, elle a murmuré que j’étais bizarre, qu’elle m’aimait sans doute à cause de cela mais que peut-être un jour je la dégoûterais pour les mêmes raisons. Comme je me taisais, n’ayant rien à ajouter, elle m’a pris le bras en souriant et elle a déclaré qu’elle voulait se marier avec moi. J’ai répondu que nous le ferions dès qu’elle le voudrait.
Berenilde la considéra pensivement. Ses bouclettes blondes, qui dansaient comme des flammes à chaque mouvement de son visage, s'étaient figées. Prise dans le faisceau implacable de ce regard, Ophélie se sentit soudain l'âme d'une brebis jetée entre les pattes d'une lionne. Ses migraines reprirent de plus belle. Elle eut beau essayer de se convaincre que cette douleur n'était pas réelle, que c'était l'esprit de Berenilde qui parasitait le sien, ça lui fit quand même mal. De quoi cette femme la punissait-elle réellement, au fond ?
- Faites ce que vous voulez de votre coeur, ma fille. J'attends uniquement que vous remplissiez vos devoirs et que vous ne déceviez pas.
"Elle ne me punit pas, réalisa alors Ophélie, les poings serrés sur sa robe, elle veut me dompter. C'est mon indépendance d'esprit qui l'inquiète."
Au même instant, le timbre d'une sonnette retentit dans le manoir. Un visiteur s'annonçait. Qui que ce fût, Ophélie le loua intérieurement pour cette venue providentielle. Berenilde s'empara d'une clochette sur la table basse et l'agita. Il y en avait de semblables sur chaque meuble du manoir, afin de pouvoir solliciter un domestique depuis n'importe quelle pièce. Une servante se présenta aussitôt sur une révérence.
- Madame ?
- Où est Mme Roseline ?
- Dans le cabinet de lecture, madame. Elle était très intéressée par la collection de timbres de madame.
Déridée, Ophélie songea que tant qu'il y aurait du papier dans cette maison, sous quelque forme que ce fût, la tante Roseline trouverait de quoi s'occuper les mains.
Rampa, adossé contre une statue, se laissa glisser à terre. Aziraphale était déjà tombé à la renverse dans un bouquet de rhododendrons. Une tache sombre s’épanouissait sur sa chemise.
Rampa sentit la sienne s’imprégner de liquide.
Ridicule. Ce n’était pas vraiment le moment de se faire tuer. Il allait devoir fournir tout un tas d’explications. On ne distribue pas des corps neufs comme ça ; il faut toujours expliquer ce qu’on a fait de l’ancien. C’est comme de réclamer un nouveau stylo à un service papeterie extrêmement tatillon.
Il regarda sa main, incrédule.
Les démons peuvent voir dans le noir. Et il vit que sa main était jaune. Il saignait jaune.
Prudemment, il se lécha un doigt.
Puis il alla à quatre pattes vers Aziraphale et vérifia la chemise de l’ange. Si la tâche qui la maculait était du sang, il allait falloir réviser les fondements de la biologie.
« Ouh, ça pique, gémit l’ange dans les profondeurs du bosquet. J’ai été touché juste en dessous des côtes.
- Oui, mais tu saignes souvent bleu ? » s’enquit Rampa.
Les paupières d’Aziraphale s’ouvrirent. De sa main droite, il se palpa la poitrine. Il se rassit. Il se soumit au même examen médical sommaire que Rampa.
« De la peinture ? » demanda-t-il.
Rampa opina.
« Mais à quoi jouent-ils ? demanda Aziraphale.
- Je ne sais pas, mais je crois qu’on appelle ça jouer aux cons. » D’après le ton de sa voix, il savait y jouer, lui aussi. Et bien mieux.
Je suis de retour depuis presque cinq heures quand un raclement laborieux retentit au niveau de la planche disjointe ; je vois entrer mon maître, abattu, dépenaillé et carrément nauséabond. Il laisse derrière lui un sillage dont j’espère que c’est de la boue. On dirait une grosse limace. Il monte l’escalier en traînant la patte et, parvenu au premier étage, s’affale contre un mur. Par esprit de curiosité scientifique, j’allume une petite Flamme et je l’inspecte de près. Heureusement que j’ai l’habitude de côtoyer des gnomoncules stygiens et autres créatures du même acabit car il n’est pas beau à voir. On dirait qu’on l’a pris à bras-le-corps pour le rouler dans une mare de fange particulièrement fétide avant de le plonger la tête la première dans une cuve de terre et de foin coupé. Son jean est déchiré et tout ensanglanté au genou, il a les chevaux hérissés, une grosse ecchymose sur la joue ainsi qu’une vilaine coupure au-dessus de l’oreille. Mais le plus beau, c’est son regard furibond.
« Monsieur a passé une bonne journée ? je m’enquiers.
- Du feu, dit-il entre ses dents. Fais-moi du feu, je suis gelé. »
Ce ton hautain de maître qui donne des ordres à l’esclave est un peu déplacé chez une loque humaine dont même un chacal ne voudrait pas, mais je ne proteste pas. Je trouve tout ça irrésistiblement drôle. Alors je rassemble des bouts de bois pour allumer un bon feu réparateur et (sous la forme de Ptolémée) je m’installe près de lui — enfin, pas trop, à cause de l’odeur.
« C’est nouveau, ça, je lance gaiement. Pour une fois que ce n’est pas au djinn de rentrer épuisé et couvert de boue ! Je suis à fond pour ce genre d’innovation. Pourquoi es-tu sorti ? Les émissaires de Lovelace t’ont retrouvé ? Jabor a débarqué ? »
Il répond lentement, toujours sans desserrer les dents :
« Je suis sorti acheter le journal. »
De mieux en mieux, décidément ! Je secoue la tête d’un air navré.
« Tu devrais laisser ces missions périlleuses à plus qualifié que toi ; la prochaine fois, demande à une grand-mère ou à un bambin de deux ans.
- La ferme ! (Il écume.) C’est ce vendeur de journaux, là ! Et son copain Fred. Deux plébéiens ! Ils m’ont volé mon miroir et m’ont attiré dans un traquenard. Je les ai suivis et ils ont essayé de me tuer. D’ailleurs, sans la fille, ils l’auraient fait.
- La fille ? Quelle fille ?
- …mais je me suis ouvert le crâne, je suis tombé dans une flaque, et après, quand ils sont partis, je n’arrivais pas à retrouver mon chemin ; c’était le couvre-feu ; les sphères chercheuses étaient lâchées, il fallait que je me cache sur leur passage. Pour finir, je me suis couché dans un ruisseau qui passait sous un pont et je suis resté une éternité dans la boue pendant que les lumières patrouillaient en haut de la rue. Et après, quand elles sont parties elles aussi, il a encore fallu que je retrouve mon chemin. Ça m’a pris des heures ! Et je me suis fait mal au genou. »
Bon, ce n’est pas du Shakespeare, mais comme conte de fées, c’est ce que j’ai entendu de mieux depuis longtemps. Ça me redonne le moral.
Le but de cet exercice est d'adapter le passage du roman en scénette, ne vous limitez pas aux dialogues initiaux, vous pouvez en rajouter, en enlever ou en changer à votre guise ! Si vous êtes bloqués, peut-être qu'un aparté pourrait vous aider ?
Pensez également à l'utilité des didascalies, en évitant le piège de retomber dans une narration classique : le but n'est pas d'en mettre des tonnes non plus (même si vous suivrez l'exemple d'illustres écrivains) !
Envoyez vos exercices par MP à un des membres de l'équipe, et nous les posteront, anonymisés, à la fin du temps imparti
Bon courage !