Du coup,
Les Animaux fantastiques : Les Secrets de Dumbledore
Après un second opus en sortie de route, mes attentes concernant la suite de cette extension de la franchise étaient plus que limitées. Le seul signe d’intérêt qui semblait poindre le bout de son nez, c’était le recasting de Grindelwald avec Mads Mikkelsen, qui semblait déjà beaucoup plus pertinent pour le rôle. Chose confirmée dans les bandes-annonces où il présente un tout autre charisme et où la dynamique avec Jude Law devenait tout de suite plus crédible. Quel est le résultat final ?
Rien de bien extraordinaire. Oui, le film réussit à être meilleur que son prédécesseur, ce qui n’était pas en soi très compliqué, mais échoue à renouer ne serait-ce qu’un peu avec la magie qui habitait encore le premier film. Bien sûr, on a changé complètement d’approche puisque le duel entre Dumbledore et Grindelwald est désormais au centre de la saga, mais au moins peut-on reconnaître que ce film réussit à rendre le fil rouge un poil plus palpitant et qu’il essaye quand même de donner au « animaux fantastiques » un rôle au sein de cette intrigue. On peut noter aussi un film mieux écrit et au rythme beaucoup mieux maîtrisé, plus cinématographique, que son prédécesseur, mais cela ne l’empêche pas d’accumuler les faiblesses qui plombent un peu l’ensemble.
Tout d’abord, j’ai eu l’impression que cet opus passe plus de temps à tenter de réparer les errances du deuxième et en oublie presque de poser les bases de sa propre intrigue. Si le contexte général a de quoi nous faire sourire compte tenu du climat politique, l’ensemble reste très timide. Si on nous apporte une réponse à la révélation finale sur laquelle on avait quitté le précédent film, celle-ci ne semble n’avoir aucun réel impact pour l’intrigue elle-même, en plus d’arriver beaucoup trop tard tant Rowling et Kloves nous dissémine des indices évidents, presque poussifs (et bon, ça me fume toujours d’avoir deviné à la sortie du deuxième film en pensant déconner à moitié tant c’était absurde).
Le principal problème, à mon sens, ce sont les personnages. Parce que non seulement on nous en introduit de nouveaux, mais on les accumule avec ceux déjà présents et dont le rôle ici est soit réduit, soit superflu, soit insignifiant. On peut penser en premier lieu à Tina, pratiquement écartée du film en dehors de quelques caméos presque piteux, mais elle n’est qu’une illustration du symptôme qui frappe presque tous les précédents personnages. Jacob reste fidèle à lui-même, et étonnamment sans doute le personnage le plus attachant, mais son incursion dans le scénario est forcée, absurde… Il n’a concrètement aucune raison scénaristique d’être dans le film, en dehors de celle de réunir les personnages. Ceci se reflète très bien avec Queenie, dont la décision dans le précédent opus faisait lever plus d’un sourcil, et dont le rôle ici est… Anecdotique ? C’est presque si les deux n’ont pas leur propre intrigue secondaire annexe, à qui on accorde 5 minutes à tout casser, plus l’épilogue histoire de.
Dans la même veine, Croyance vagabonde dans ce film. Non seulement il ne semble impliqué dans aucun élément majeur de l’intrigue, si ce n’est que pour lui donner du temps d’écran, mais en plus sa propre intrigue est résolue avant la moitié du film et il fera du sur place en attendant la fin pour
à la limite servir de « motivation » aux personnages, et encore c’est tellement faiblard qu’on a l’impression que ça aurait pu être n’importe qui d’autre (même pas ils utilisent le coup que Grindelwald ayant agressé un Dumbledore, donc le sang d’Albus, il rompt de facto le pacte et libère ainsi Albus… non, on nous sort une excuse à peine convaincante).
Alors certes, ça nous permet d’introduire mieux le personnage d’Abelforth et d’avoir des scènes entre les deux frères (qui me laissent un peu incrédule de ce qu’on sait des bouquins, mais bon, qui sait, ça serait pas le premier secret qu’Albus ait caché à Harry), mais là encore, ça semble se greffer un peu artificiellement.
Du côté des insignifiants, citons Yusuf Kama dont on a l’impression qu’il est traîné comme un boulet tout le film pour n’avoir qu’un nombre d’interactions limitées et inutiles.
Il rejoint Grindelwald, mais ne fait rien ; et son retournement de veste, qu’on avait deviné depuis longtemps (que même Grindelwald avait pressenti, pour dire), se révèle peu pertinent parce que n’apporte pas grand-chose et après, on ne le voit plus.
On ne peut même pas parler de gâchis, tant on ne peut même pas percevoir le potentiel qu’il aurait pu avoir. Il partage d’ailleurs la palme avec Thésée, qui semble presque spectateur du film (un peu comme Jacob) et n’apporte là-aussi rien de vraiment concret à l’intrigue, ni même de crédible en fait.
Même en tant qu’Auror, il sonne creux tant Lally le surclasse en tout point (elle sera d’ailleurs sans doute la seule réelle bonne surprise et découverte de ce film). Et du coup, j’en viens à me demander si c’est pas voulu de la part de Rowling, dans un processus de déconstruction de l’archétype du chevalier blanc héroïque et fort pour mettre en valeur l’héroïsme de personnages plus « atypiques », comme Lally justement. Voire Bunty,
qui sert un peu de malle de Tchékhov un peu trop évidente.
Ou Norbert, qui est peut-être un peu moins passif que dans le second opus, mais qui semble toujours ne pas trop comprendre pourquoi il se retrouve embarqué dans une aventure pareil.
Du coup, on en revient à Dumbledore et Grindelwald, qui seront les deux seuls réels intérêts du film, d’un côté comme de l’autre. Leur relation est un peu plus approfondie (et enfin canonisée), j’aime beaucoup la dynamique qui s’installe dès la première scène, les motivations qui poussent Albus tout comme celles qui amène Gellert à agir comme il le souhaite. Les deux sont sans doute desservie par une intrigue qui se laisse suivre mais demeure trop classique (et empêtrée dans les méandres à résoudre du second) pour vraiment décoller. Du coup, on en ressort avec cette sensation qu’il n’y avait pas tant de réels enjeux posés dans le film (ils apparaissent plus tard, mais semblent plutôt superficiel et ne s’inscrivent pas dans la longueur), que le statut quo n’aura pas tant changé que ça. Et c’est je pense un des soucis du film : il aurait pu très bien fonctionner de lui-même en tant que second opus, quitte à adapter le prologue pour que Grindelwald s’échappe de prison. Il aurait eu plus de force, à mon sens.
Et ça se reflète au casting. Parce que si l’ensemble est quand même meilleur que le second film, si Eddie Redmayne reste dans le même ton, le casting est surtout porter d’une part par Jessica Williams, qui apporte vraiment un bol d’oxygène et de peps avec son personnage ; mais aussi d’autre part par le duo Law/Mikkelsen, qui font le taff, qui débordent de charisme comparés aux autres, qu’on shipe après même pas deux minutes. Et pourtant, on a l’impression que les deux sont réduits, bridés par l’étroitesse de l’intrigue. Et oui, Mikkelsen aurait dû être casté dès le départ pour jouer Grindelwald, tant il est plus crédible, ambivalent, menaçant que le loufoque Johnny Depp.
Techniquement, le film s’inscrit dans la routine de la franchise. James Newton Howard m’a une fois de plus paru peu inspiré, ne proposant pas vraiment de nouveaux de thème ou de réorchestration intéressante, se contentant surtout d’utiliser aux endroits clés ceux déjà connus, puis forçant
Hedwig’s Theme un peu partout (alors qu’il aurait pu utiliser le thème de la Salle sur Demande justement). Les effets spéciaux sont dans l’ensemble plutôt bons, sans forcément proposer quelque chose de vraiment marquant. La mise en scène de Yates essaye quelques trucs sympas ici et là, mais ne va pas plus loin. Reste les décors, toujours aussi chouettes.
Bref,
Les Secrets de Dumbledore remonte un peu la pente. Sans doute qu’il aurait pu être encore mieux sans avoir à réparer les erreurs précédentes et s’il avait pu tenir en tant que film à part entière. Il souffre cependant de nombreux symptômes déjà présents dans cette saga, entre la multiplication des personnages superflus et l’absence d’idée à comment utiliser les plus anciens ou à les remplacer. Certains semblent être lâchés au milieu du film sans de véritable raisons, d’autres font office de planton. Il n’en reste pas moins que j’étais allé pour voir le duo Jaw/Mikkelsen Dumbledore/Grindelwald, et que j’ai eu à peu près ce que je voulais avoir, en plus de la très bonne surprise de Lally.