Diagnostic : une masterclass d’écriture par Mary Robinette Kowal
Récemment, j’ai eu la chance de pouvoir assister à une masterclass d’écriture organisée par Mary Robinette Kowal sur le thème : « Diagnostiquer les problèmes de votre histoire ». C’était hyper intéressant, et plein de solutions pratiques et directement applicables. Avec sa permission, j’ai donc décidé de vous en transmettre l’essentiel dans cet article.
Mary Robinette Kowal, autrice et pédagogue – masterclass d’écriture
Si vous ne connaissez pas Mary Robinette Kowal, elle est l’autrice de la série Jane Ellsworth et de la série Lady Astronaute, ainsi que de plusieurs autres romans et nouvelles. Elle est lauréate du prix Hugo, du prix Nebula et du prix Locus. Elle est la présidente de l’association Science Fiction and Fantasy Writers of America et fait partie de l’équipe de Writing Excuses, un podcast sur l’écriture.
Mary Robinette Kowal était l’invitée d’honneur d’IceCon 2021, un salon consacré aux littératures de l’imaginaire qui a eu lieu à Reykjavik à l’automne dernier. C’est à cette occasion qu’elle a donné cette masterclass d’écriture sur le thème « Diagnostiquer les problèmes de votre histoire« .
Kowal distingue trois types de problèmes potentiels :
- Création
- Révision
- Intrigue
Dans cet article, nous allons nous concentrer sur les deux premiers.
Les problèmes de création : une masterclass d’écriture
Ici, Mary Robinette Kowal nous invite à considérer le writer’s block ou le « bloquage de l’écrivain‧e » comme un outil de diagnostic. En tant qu’auteur‧ice, nous sommes notre premièr‧e lecteur‧ice : si ça bloque, c’est notre cerveau qui nous indique qu’il y a un truc qui ne va pas dans notre histoire.
Le blocage se manifeste généralement selon l’une de ces quatre manières :
- somnolence
- page blanche
- agitation
- hésitation
Somnolence
Symptômes : Vous bâillez en contemplant votre texte et une sieste vous semblerait bien préférable à une séance d’écriture.
Diagnostic : Soit vous manquez de sommeil… soit votre histoire est chiante. (Désolée.) Soyons réalistes : si vous vous ennuyez en l’écrivant, il y a de bonnes chances pour que votre lecteur s’ennuie en la lisant.
Antidote : Revenez en arrière, jusqu’à la dernière scène que vous brûliez d’écrire, et faites un choix plus dynamique pour la suite de votre intrigue. Demandez-vous ce qui vous donnerait envie de lire la suite en tant que lecteur‧ice.
La page blanche
Symptômes : Vous fixez votre traitement de texte ou votre carnet. On entend les mouches voler et vous n’avez rien écrit depuis une demi-heure.
Diagnostic : Vous ne savez pas ce qui se passe ensuite.
Antidote : Il s’agit de revenir aux bases en vous posant ces trois questions :
Que veut votre personnage ?
Quelle est la chose la plus intelligente qu’iel puisse faire dans sa situation, avec les outils dont iel dispose ?
Qu’est-ce qui pourrait mal se passer ?
Agitation
Symptômes : Vous préférez faire n’importe quoi, y compris la poussière sur l’étagère à bibelots, que de vous placer à votre bureau pour écrire.
Diagnostic : la prochaine scène est difficile à écrire, et vous êtes en train de vous défiler pour éviter d’avoir à l’écrire. Ça peut être une scène techniquement difficile, par exemple une scène de combat où toutes les actions doivent être minutieusement chorégraphiées. Ou bien émotionnellement difficile : un personnage meurt, et vous n’avez pas envie de le tuer.
Antidote : Il va falloir serrer les dents et écrire cette scène. Rappelez-vous : ça n’a pas besoin d’être parfait du premier coup, vous pourrez toujours la reprendre à la correction.
Astuce : Utilisez un chronomètre. Demandez-vous combien de temps vous pouvez supporter d’écrire cette scène. Fixez-vous un temps très court si c’est vraiment difficile, juste 5 minutes par exemple. Souvent, le passage le plus dur, c’est précisément les premières lignes, et en 5 minutes, vous les aurez dépassées !
Hésitation
Symptômes : C’est la cinquième fois que vous réécrivez la même phrase. Il y a quelque chose qui ne va pas, mais vous n’arrivez pas à mettre le doigt dessus.
Diagnostic : Vous ne croyez pas en cette scène, soit celle que vous êtes en train d’écrire, soit la précédente. Vous avez un problème avec les motivations du personnage dans cette scène.
Antidote : Revenez à la base : que veut votre personnage, et de quelle façon peut-il essayer de l’obtenir ? Une fois que vous avez répondu à cette question, soyez méchant avec votre perso !
les problèmes de révision : une masterclasse d’écriture
Il s’agit d’utiliser les retours de vos beta lecteurs pour régler les problèmes qui peuvent se poser avec votre texte.
Dans cette masterclass d’écriture, Kowal trie les retours des lecteurs en trois catégories :
- Ils s’ennuient
- Ils ne comprennent pas
- Ils sont incrédules
Ennui
Votre manuscrit a un problème de rythme. Vous pouvez chercher à resserrer votre prose, ou à augmenter le sentiment d’urgence.
Pour resserrer votre prose, Mary Robinette Kowal vous propose deux méthodes :
- Couper 10%. Regardez le compte de mots des chapitres ou scènes où vos beta lecteurs décrochent et réduisez de 10 %. Cela devrait donner plus de punch à vos phrases et cela peut être le déclic pour trouver la phrase parfaite qui se trouvait au milieu de ces quelques mots en trop.
- Une phrase par concept. C’est une façon drastique de réduire le texte : pour chaque paragraphe, une seule phrase par idée, et une phrase pour l’atmosphère.
Pour augmenter l’urgence d’une scène, là encore, Mary Robinette a deux solutions :
- Utiliser le discours indirect libre. C’est une excellent manière de vous plonger directement dans la tête du protagoniste. Une scène ainsi vécue de l’intérieur sera plus palpitante. Bien sûr, c’est comme tout, attention à ne pas en abuser.
- Avoir conscience des « cycles tentative-échec ». Dans la culture occidentale, nous sommes habitués à un motif ternaire. Par exemple : 1. le personnage essaie d’ouvrir la porte. Ça ne marche pas. 2. Il s’acharne sur la poignée. Ça ne marche pas. 3. Il donne un grand coup d’épaule dedans. La porte s’ouvre.
Avoir conscience de cette structure vous permet de jouer avec, et soit de donner au lecteur l’impression d’une accélération, en réduisant à deux tentatives, soit au contraire, d’augmenter la difficulté pour le personnage en passant à quatre ou cinq, et donc de rendre les enjeux plus importants aux yeux du lecteur.
Incompréhension
Si votre lecteur ne comprend pas ce qui se passe, c’est qu’il y a un problème avec l’ordre dans lequel vous donnez les informations.
Si vous écrivez dans un genre ou cette confusion fait partie de l’intrigue (un polar à la Agatha Christie, par exemple), laissez un peu mariner le lecteur mais en laissant entendre que le protagoniste cherche lui aussi la réponse à cette question.
Sinon, examinez votre manuscrit à la recherche des endroits qui suscitent l’incompréhension, et veillez à répondre aux questions avant qu’elles se posent.
Incrédulité
L’incrédulité peut être le résultat soit d’un problème avec les lois physiques de votre univers, soit relever plutôt d’un souci de cohérence dans la psychologie des personnages.
Si vous avez une bonne raison pour jouer avec les lois physiques de l’univers (par exemple, votre personnage est un super héros et c’est ainsi qu’il survit à une chute qui aurait dû être mortelle), traitez cela comme les problèmes d’incompréhension et informez vos lecteurs que le personnage est un super-héros soit juste avant, soit juste après la chute.
Si le problème relève de la psychologie des personnages, c’est que le changement de motivation n’a pas été rendu assez clair. Plusieurs méthodes s’offrent à vous pour clarifier ce point.
- Une fois encore, vous pouvez avoir recours au discours indirect libre.
- Ayez également conscience de l’effet des paragraphes sur votre lecteur : on retient plus facilement une information donnée à la fin d’un paragraphe. Passez à la ligne après la phrase qui explique le changement de motivation de votre personnage.
- Effectuez un cercle : donnez l’information au début de la scène et rappelez-la à la fin.
- Le focus : concentrez-vous sur les sens du personnage (ce qu’il voit, entend…) afin d’attirer le lecteur à ses côtés dans la scène.
J’espère que cette masterclass d’écriture vous aura été utile !
Nous ne traiterons pas les problèmes qui relèvent de l’intrigue aujourd’hui, car ça ferait un article beaucoup trop long. Vous pourrez retrouver cela ici, où je vous expose ce qu’est le ratio 4E, ou MICE quotient en anglais.
Et si cela vous a intéressés, n’hésitez pas à aller consulter nos autres conseils d’écriture.
8 commentaires
Ialona
Merci Vero pour cet article !
Je suis intéressée par la partie intrigue si tu te motives à la retranscrire =D
Verowyn
Merci ! Je vais me mettre un coup de motivation alors ! 😀
Pimy
C’est le genre d’articles que j’adore lire, donc mille mercis Vero de l’avoir écrit/retranscrit. La construction symptômes /diagnostic /antidote est géniale, c’est direct et efficace. De façon plus générale, tout ce qui touche à l’inspiration et aux méthodes d’écriture, fait partie de mes sujets préférés sur le blog. Je n’écris pourtant quasiment plus, mais ça me donne justement envie de m’y remettre et cet article là encore plus !
Verowyn
Ah, super, merci Pimy !
Je dois dire que j’étais dans une période de gros blocage de mon côté quand j’ai assisté à la masterclass de Mary Robinette et ça m’a remis le pied à l’étrier. 😀
Robert G. Forge
Symptôme + Diagnostique + Antidote = Une très bonne idée pour aider les auteurs un peu perdus.
A faire tourner 😉
Verowyn
Merci beaucoup, ravie que ça fonctionne ! 😀
LaLouisaBlack
Je prends enfin le temps de lire cette masterclass, merci tellement Vero pour ce travail de retranscription ! C’est tellement clair que j’ai pris plein de notes 😀
Verowyn
Ah, top ! Contente que ça fonctionne. 😀